Un interne c’est quoi ? C’est qui ?
Ce n’est certainement pas un robot en blouse blanche. Non, un interne c’est avant tout une personne, un être humain. Un être humain un peu spécial, certes. Un être humain au service de l’autre, de l’autre être humain. C’est une personne qui côtoie la vie, la maladie, la guérison, la naissance, la mort…
Les internes ce sont des gens qui rencontrent. La médecine c’est une rencontre avec l’autre. C’est également une rencontre avec soi-même à travers l’autre. C’est dans cette rencontre avec l’autre que l’on se voit, que l’on s’apprend, que l’on se construit.
L’externat a pour but de lui faire rencontrer la médecine, mais également de l’habituer à la douleur, la souffrance, la perte, la mort, le deuil. L’habituer aussi au corps, sa peau, ses organes, son intérieur. Il devient alors un personnage habitué à rencontrer la souffrance de l’autre. Il devient tristement habitué à la douleur, aux plaintes, au sang, au danger, a la mort.
En plus de rencontrer tout ce que l’homme essaye, plus ou moins bien, d’éviter, de ne pas connaitre, l’interne travaille, il travaille beaucoup. Il a énormément étudié, a appris la médecine et des quantités d’informations gigantesques qui viennent noyer la rencontre avec l’autre [malade], dans un bain de connaissances qui le dépasse. Il privilégie durant ce temps d’apprentissage acharné, l’incorporation d’informations scientifiques et techniques, au détriment de la compréhension de l’Autre et de lui-même. Il s’efface pour faire place à cet automate capable de réussir des QCM en milliers. Cet automate qui doit réussir à tout prix et grimper dans le classement du concours. La médecine devient alors une compétition, ou l’on s’acharne sur soi-même, on l’on s’oublie un moment pour devenir un recueil de connaissance.
Dans ce contexte certains d’entre nous, devenus internes, perdent tout sens de la rencontre avec l’autre. Ils s’acharnent à restituer ces connaissances dans la réalité de la rencontre avec le patient-humain.
D’autres se perdent dans l’espace-temps que représente l’hôpital, laissés seuls face un nombre de patients qui les dépasse, seuls face à eux-mêmes. Seuls face à l’autre et au reflet d’une image d’eux même devenue incompréhensible, non reconnaissable. Ils se trouvent vidés de tout plaisir et désir de rencontre avec l’autre. Celle-ci devient alors de moins en moins tolérable, comme essayer de se forcer à regarder dans un miroir cette image que l’on ne reconnait plus, ou l’on voit ce reflet changer à chaque instant.
Mon écrit n’est que le reflet d’une pensée brève et rapide. Une pensée peut être erronée, floue, ne contribuant pas. Cet écrit existe, car l’interne souffre, pleure, se déprime et meurt.
C’est une réalité. C’est un cauchemar.
Théo Mouhoud
Interne de psychiatrie